Read this ebook for free! No credit card needed, absolutely nothing to pay.
Words: 26216 in 10 pages
This is an ebook sharing website. You can read the uploaded ebooks for free here. No credit cards needed, nothing to pay. If you want to own a digital copy of the ebook, or want to read offline with your favorite ebook-reader, then you can choose to buy and download the ebook.
L'illustration, 3664, 17 Mai 1913.
LA REVUE COMIQUE, par Henriot.
Ce num?ro contient:
COURRIER DE PARIS
LE RIDEAU
D?s qu'arrive cette fin de l'ann?e o? il entre en subite m?lancolie, je ne puis m'emp?cher de r?ver en le contemplant. D'ailleurs il m'a toujours ?mu et fait penser, car il est ? lui seul la moiti? du th??tre. Il le personnifie. Il en est le premier et le dernier tableau. C'est par lui que d?butent toutes les pi?ces, drames, ballets, com?dies, trag?dies, et qu'elles finissent toutes. Il est le prologue et l'?pilogue de la grande farce humaine. Concevons-nous une minute qu'il puisse ne pas ?tre? L'imagination s'y refuse. Tout nous dit en effet qu'avant d'apprendre la belle histoire qui nous est promise nous devons n'en rien conna?tre, et qu'il faut qu'elle nous soit expos?e toute neuve, avec ordre sans doute,--mais dans une sorte de brusquerie de d?but, de fa?on ? nous heurter et ? nous accaparer instantan?ment. Un mur entre la pi?ce et le spectateur est donc d'abord n?cessaire, le mur derri?re lequel se passera tant de fois quelque chose! un mur ?pais mais fragile, lourd mais l?ger, imp?n?trable et mince qui puisse au commandement non pas se fendre et s'?crouler, mais dispara?tre, s'?vanouir, fondre et monter dans un silence obtenu par les battements pr?cipit?s, puis par les trois coups de nos coeurs.
Lorsque j'eus la joie, plus tard, de voir le premier vrai rideau de th??tre, un pour-de-bon, un saignant, un vivant, je retrouvai, combien amplifi?es et port?es ? leur paroxysme, les impressions de mon enfance. Un autre que moi faisait ? pr?sent manoeuvrer la colossale toile, mais c'?tait toujours celle de mes premiers regards. Elle avait grandi, elle aussi, voil? tout.
Je me souviens que j'?tais expr?s arriv? bien avant que le spectacle commen??t pour avoir le temps de profiter un peu du rideau et de m'en repa?tre. Il se pr?tait avec une ?vidente complaisance ? la cordialit? de mes d?sirs. D'une lourde et implacable immobilit?, il se secouait tout ? coup, d'abord imperceptiblement, et bougeant ? peine. Puis il s'?brouait, fr?missait. Des frissons le parcouraient, du haut en bas, et passaient sur lui, mais sans l'affecter. Tour ? tour, avec mesure et retenue, il se soulevait ? demi comme une onde, se creusait comme un sillon, se gonflait comme une voile. Il respirait, il me faisait l'effet d'un poumon gigantesque. Il avait l'air de s'essayer aussi, de se pr?parer, de repasser tout ce qu'il s'appr?tait ? bient?t r?v?ler. De l'orchestre, tapi ? ses pieds, s'?chappaient dans une discordance infiniment m?lodieuse des bruits d'instruments qui venaient le frapper et qu'il renvoyait dans la salle ainsi qu'une raquette. La fl?te, et le violon, le basson, le cornet, poussaient chacun leur cri naturel, presque sauvage, et qui les faisait reconna?tre sans qu'on e?t besoin de les voir, comme il n'est pas n?cessaire, si on l'entend, de constater l'oiseau qui lance un son dans les branches touffues, pour affirmer ? coup s?r: Et, au fur et ? mesure que les spectateurs entraient plus nombreux, le rideau se rengorgeait, si l'on peut dire, et donnait des marques croissantes de paisible agitation.
A droite et ? gauche, il ?tait perc? de deux petites ouvertures rondes et grillag?es, qui semblaient ?tre ses yeux, et qui certainement les ?taient, puisque l'on pouvait par moments distinguer des prunelles qui luisaient avec avidit?... En m?me temps, pouss? de l'autre c?t? par un souffle du large, le souffle des passions toutes pr?tes et maquill?es, qui venaient le battre plus fort, le rideau remuait, oscillait, paraissait vouloir s'enlever et quitter le sol comme un a?rostat qui ronge ses amarres. Et, soudain, la rampe ?clatait tout du long, par en bas, le baignait de clart?s, embrasait ses cr?pines, lui cousait, ? grandes aiguill?es, des volants de lumi?re. Son robuste tissu, inond? de sang frais, ruisselait d'une pourpre plus pure, s'imbibait de carmin. La toile ressuscitait en velours. Les ors jaillissaient, brod?s et rappliqu?s ? neuf. Les torsades, les cordeli?res, tout l'enchev?trement classique et solennel des c?bles fastueux qui retiennent mal, sans les emp?cher de s'?chapper et de crouler, les tentures de vingt m?tres, prenaient leur aspect et leur volume d'apparat. La minute approchait. Le rideau allait se lever... Il le savait lui-m?me. Tout se taisait... Mes yeux ne d?collaient plus du bas de la frange enflamm?e, qui d?j?, une ou deux petites fois, s'?tait d?tach?e de quelques centim?tres du sol. J'avais vu--oh! ? peine le temps qu'il rentr?t, telle une souris--d?passer le bout d'un pied de satin. Et puis le silence se fit profond, retenu, ?trangl?... Une esp?ce d'attente intol?rable ?treignit mon coeur... qui re?ut alors, l'un apr?s l'autre, les trois coups... Ah! ces trois coups!... La premi?re fois que je les entendis, ils me boulevers?rent comme un pressentiment qui ne devait pas me tromper.
C'est d'ailleurs bien autre chose qu'un bruit... c'est terriblement plus et mieux! C'est une sensation splendide et douloureuse, une ?preuve de choix ? laquelle rien ne se peut comparer. Sur la nuque, l'?chine et le rein, au travers du jarret et sur les genoux, dans les tr?fonds de la t?te et du coeur, cela vous tombe dessus, massif et dru, ? la vol?e, ? la fa?on du marteau de forge et de la hache du bourreau, de la cogn?e du b?cheron, du b?lier qui bat la tour, et vous avez la pleine certitude d'?tre ? la fois l'enclume, l'arbre, la victime et la muraille sur laquelle s'abattent trois fois ces masses de fer et de plomb. Cela tient encore de la ross?e de b?ton, de la trique s?che et bien en main, de la porte qu'on enfonce, et aussi du coup de hampe de la hallebarde sur un parquet pour annoncer le passage d'un roi. Il y a dans ces trois coups de la force et de la cruaut?, de l'irr?vocable, quelque chose de brutal et de solennel, qui sent la lutte ouverte, l'attaque violente, et l'instant supr?me. Et le rideau part.
Il quitte les planches, rapetiss?, et grimpe, s'?l?ve, comme si, au lieu de s'enrouler, il filait tel quel, bien tendu en grande largeur, et traversait le plafond pour monter au firmament et s'y perdre, frise de la nue.
Jamais je n'ai pu assister ? sa lente et grave ascension sans me reporter ? l'?poque enfantine o? je tournais la manivelle grin?ante de mon op?ra. J'ai vu beaucoup de rideaux depuis, dans ma vie. On en fait ? pr?sent des bleus, des blonds, des roses, des verts d'eau... de toutes les couleurs... On en invente qui figurent des mythologies, des bacchanales, de l'antique
Free books android app tbrJar TBR JAR Read Free books online gutenberg
More posts by @FreeBooks

: New Old and Forgotten Remedies: Papers by Many Writers by Anshutz Edward Pollock Editor - Homeopathy Materia medica and therapeutics