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Words: 19228 in 7 pages

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L'Illustration, No. 3655, 15 Mars 1913

LA REVUE COMIQUE, par Henriot.

Ce num?ro comprend VINGT-QUATRE PAGES.--Il est accompagn? de LA PETITE ILLUSTRATION, S?rie-Roman n? 2, contenant la deuxi?me partie du roman de M. Marcel Pr?vost: LES ANGES GARDIENS.

COURRIER DE PARIS

LES MAISONS EN CONSTRUCTION

De deux fen?tres ?loign?es l'une de l'autre, situ?es chacune ? une extr?mit? de mon appartement, celle-ci au nord, celle-l? au midi, de la fen?tre de ma chambre et de celle de mon cabinet, je vois construire deux maisons.

Je les regarde s'?lever ? la place m?me o? l'an dernier se tenaient, si droites encore, celles que j'ai vu jeter ? bas, dont il ne reste plus trace que dans mon souvenir, et peut-?tre dans celui des hommes qu'elles ont abrit?s. Et ces deux maisons, je ne sais pourquoi, occupent ma vie. Si ce n'est que toutes les deux elles sont et qu'elles auront le m?me nombre d'?tages, elles pr?sentent d?j? un caract?re tr?s distinctif. L'une, sur laquelle donne ma chambre, est en b?ton arm? ou du moins jusqu'? pr?sent, et rien ne permet de croire qu'il en sera diff?remment dans la suite. L'autre, qui forme le principal paysage de mon cabinet, est en pierre.

Ces deux maisons, qui sont s?par?es par tout un p?t? d'immeubles, et qui, par cons?quent, ne peuvent pas , et qui ne sont pas dans les mains des m?mes entrepreneurs, ont cependant et gardent jusqu'ici une hauteur pareille, montant chaque jour, en se suivant, comme si elles le faisaient expr?s, quoique la maison de pierre ait tendance ? gagner sur sa voisine. Chaque matin, d?s que je me l?ve, il faut--c'est plus fort que moi--que j'aille jeter mon premier coup d'oeil sur le chantier qui m'attire au saut du lit, celui de la maison en b?ton. Je ne peux pas dire que ce spectacle m'enchante et me procure un r?veil c?lin. Rien n'est moins gracieux d?j? que l'aspect des fondations b?antes, des caves entr'ouvertes et ? ciel libre car une cave n'est belle et n'a sa relative magnificence que vo?t?e, et basse, et bien noire, bien salp?tr?e, bien feutr?e de poussi?re et de silence et ramon?e de ces courants d'air d'outre-tombe qui soufflent le frisson. Il faut qu'elle ait son sol ?lastique et mou, ses caresses de vent frais, ses toiles d'araign?es, ses suies de bouteilles, ses rats furtifs, son odeur de bougie, de li?ge et de chat. Alors elle est explicable et parle. Mais en cours de travaux, n'ayant pas encore m?rit? ni obtenu son myst?re, elle offre une laideur sinistre. Les caves en b?ton que je regarde triturer m'affectent d'une fa?on sp?ciale. Qu'elles sont peu engageantes! Je ne puis penser que l'on y mettra du vin. Elles me paraissent propres plut?t ? receler de l'argent, des caisses pleines de ou de la ferraille. On dirait des petits sous-sols de Cr?dit lyonnais. Oui, osons -l'avouer, le b?ton, m?me arm?, n'a pas de charme et de po?sie. D'un gris de boue, d'une glaise inf?conde et dont ne consentira jamais ? sortir la moindre statue, il sent le faux, il donne l'impression d'?tre la singerie du solide et de vouloir pasticher le durable. J'ai beau voir la p?te ?paisse, le maussade limon se durcir dans l'armature et le treillage des tiges de fer, je ne me d?cide pas ? m'imaginer que cette cr?me saisie et coagul?e soit de la pierre et la remplace. C'est un compos?, ce n'est rien. Mais le travail est curieux, et les ouvriers m'int?ressent.

D?s sept heures ils commencent ? arriver. Ils sont m?thodiques, pr?cis et lents. Chacun sa besogne. Il y a ceux qui g?chent, ceux qui coupent le fer, ceux qui le tordent et l'assemblent, ceux qui manient la truelle avec cette souplesse et cette virtuosit? de poignet dont nous demeurons confondus, ceux qui piochent ? toute vol?e, ? bout de bras, comme s'il s'agissait de d?foncer un couvercle de coffre-fort, ceux qui, inclin?s en oblique, poussent l? grosse brouette, ou qui, pliant sur leurs jambes nerveuses et nues dans les culottes flottantes de vieux velours aux inconcevables reflets, raclent et ramassent ? larges pellet?es les gravats pour les lancer en paquets dans le tombereau, ? la petite place o? ils veulent. Ils poursuivent tous leur t?che avec ordre et sans vaine fi?vre.-- Et quand est arriv? le moment capital du repas, ? la minute, ? la seconde, ils quittent tout! C'est sacr?. On mange. Les uns vont chez le marchand de vins d'? c?t?. Les autres, les plus nombreux et les plus sens?s, restent dans le chantier pour d?jeuner . Il n'est pas rare de voir appara?tre la m?nag?re qui apportera ? son homme sa portion, dans un panier noir ? deux anses dont l'une est raccommod?e avec une ficelle, ou bien dans une serviette. C'est g?n?ralement une pauvre et humble femme, v?tue triste, et nu-t?te, bien calme, bien r?sign?e; la brave femme de l'ouvrier, aux mains crois?es sur un ventre bomb? comme un sac de pl?tre, et humble, courageuse, docile, sereine. Elle en a tant vu, et tant endur?, qu'elle est toujours contente, pourvu que ?a n'aille qu'? moiti? bien. Elle est exemplaire et magnifique ? contempler quand elle se montre aux environs de onze heures parmi les tas de pierre et les remparts inachev?s de la maison neuve, de la maison en construction, humide, et qui glace ? quarante pas. Avec la patience du peuple, elle attend que son homme soit libre et lui fasse signe pour approcher. Et quand il s'avance elle le rejoint. Lui, s'assied sur des planches, le dos au mur sec de la maison voisine, au bon endroit qu'il a choisi et qu'?claire le soleil, quand il y en a. Elle, reste debout, le couvant du regard, pendant qu'il s'installe et organise ses commodit?s. Et tour ? tour sont sortis par elle du panier le morceau de pain gros comme un pav?, la viande froide, le fromage ?pais, la haute bouteille de vin noir, pleine jusqu'? toucher le bouchon. Ces choses pr?cieuses sont ?tal?es et pos?es par terre, en cercle, devant le travailleur aux jambes ?cart?es qui a d?j? ouvert son couteau fid?le, et renvers?, pour y poser le veau, son large pouce. Enfin, sous la moustache aux poils gris, pareille ? la brosse en balai du colleur d'affiches, la bouche s'ouvre, et l'homme mange, avec paix et gravit?. Alors seulement, la femme, quelquefois, si elle est bien en confiance, ose s'asseoir pr?s de lui et semble heureuse. Elle remportera dans un instant la bouteille vide dans le panier plus l?ger.

D'autres camarades, qui, sans doute, n'ont point de femmes ou qui, d'humeur ind?pendante, n'aiment pas que le sexe s'occupe d'eux, se rassemblent par petits groupes pour faire la collation. Malins comme des soldats, ils improvisent des cuisines en plein vent, coupent du menu bois, allument des feux entre les pierres, accroupis tout autour ? la zouave. Et cette copieuse s?ance dure une bonne demi-heure, si ce n'est plus. Apr?s quoi, le travail reprend. Et voil? de nouveau mes hommes repartis entre les piliers de boue, d'o? pointent les tiges de fer...

D?cid?ment, s'il me fallait choisir, pour y demeurer, entre les deux maisons que l'on b?tit sous mes yeux, ce n'est pas dans celle du b?ton que j'?lirais domicile. Plut?t dans l'autre, dans celle en pierre, qui me sourit. Sa couleur d'abord, app?tissante, blanche, nacr?e et jaune ? la fois, sa couleur de chair et de rose-th? ne chagrine pas, semble faite pour r?jouir la lumi?re. Et puis, cette maison-l? est logique, traditionnelle. Elle est ?lev?e selon les vieilles r?gles. Comme autrefois, comme toujours, depuis que la pierre est pierre, les blocs sont apport?s tout taill?s, d?grossis et num?rot?s. On les passe dans leurs quatre attelles et ils sont hiss?s un peu de travers, en tournant, ? l'aide de la m?canique imperturbable et s?re que manoeuvrent longtemps, sans s'impatienter, les deux hommes au torse d'Ixion, comme s'ils avaient ? tirer de l'eau d'un puits tr?s profond!... Seulement, au lieu de faire monter un seau d'eau fra?che, il s'agit d'envoyer doucement et d'aller poser, ? la hauteur d'un troisi?me ?tage, un f?tu de 400 kilos. Quel plaisir on ?prouve ? voir tous les morceaux de ce jeu d'architecture se placer et s'ajuster pour ainsi dire d'eux-m?mes, l? o? il le faut, les uns au-dessus des autres! La maison a l'air de se b?tir toute seule comme si les ouvriers n'?taient l? que pour surveiller les pierres, les mat?riaux, anim?s d'une vie intelligente. Et cette impression est si vive qu'il m'arrive chaque matin de m'?tonner que la maison soit au m?me point que la veille au soir. Je ne serais pas le moins du monde surpris qu'elle e?t continu? la nuit, qu'elle e?t avanc? par ses propres moyens, m?me quand les hommes sont partis se coucher.

Mes maisons me procurent d'autres pens?es, d'une ind?finissable m?lancolie dans leur banalit?.


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